Plus de la moitié des Syriens pensent que le pays va dans la bonne direction. (AFP)
L'édition 2025 de la Syrie de « l'indicateur arabe » révèle un tableau complexe mêlant une vague d'optimisme pour l'avenir à un profond sentiment d'inquiétude concernant le présent. Alors que les Syriens expriment une satisfaction croissante sur les plans politique et sécuritaire après une décennie de guerre et de division, les données exposent également une réalité économique et sociale fragile qui menace d'affaiblir ce capital moral à moins qu'il ne se traduise rapidement par des gains concrets dans la vie des gens.
L'enquête s'est appuyée sur un large échantillon représentatif de 3 690 personnes issues de différentes provinces et catégories socio-économiques, avec une marge d'erreur comprise entre 2 et 3 % et un niveau de confiance de 98 %. Le travail de terrain a été réalisé sur 25 jours entre le 25 juillet et le 17 août 2025, avec la participation de plus de 100 chercheurs, ce qui confère aux résultats une forte validité scientifique et une grande fiabilité.
Optimisme politique face à la pauvreté matérielle
Les résultats montrent que plus de la moitié des Syriens pensent que le pays va dans la bonne direction, 57 % évaluant la situation politique et 56 % la situation sécuritaire comme bonne ou très bonne. Entre 80 % et 94 % ont exprimé des sentiments d'espoir et de soulagement après la chute de l'ancien régime, ce qui semble être un grand changement émotionnel après de nombreuses années de peur et d'impasse.
Cependant, derrière cette image optimiste se cache une réalité économique dure : 42 % des ménages vivent dans la pauvreté, 43 % juste à la limite, et seulement 11 % vivent dans l'abondance. Six répondants sur dix ont déclaré qu'ils mangent rarement de la viande, tandis qu'environ un tiers des ménages dépendent des transferts de fonds de l'étranger pour couvrir leurs besoins. Ces chiffres placent l'optimisme politique en confrontation directe avec le défi de la subsistance, mettant toute autorité face à un véritable test consistant à lier la stabilité sécuritaire à l'amélioration des conditions de vie quotidiennes.
Tendance démocratique croissante
Malgré les charges économiques, les résultats révèlent une conscience avancée de la démocratie et du pluralisme. Soixante et un pour cent estiment que le système démocratique est le plus approprié pour la Syrie aujourd'hui, et 60 % considèrent que la démocratie, malgré ses défauts, reste meilleure que les autres systèmes. Fait notable, 53 % ont exprimé leur volonté d'accepter le transfert du pouvoir même si un parti qu'ils ne soutiennent pas gagne, à condition que cela se fasse par des élections libres et équitables. Ces données reflètent une reconnaissance croissante que la démocratie n'est plus un luxe ni une menace de chaos, mais un cadre nécessaire pour gérer la diversité et garantir la stabilité.
Cependant, cette inclinaison populaire ne trouve pas de traduction claire dans la structure politique actuelle, qui reste temporaire et concentrée dans des pouvoirs étroits, sans mécanismes de représentation larges pour les différentes catégories. Cette contradiction entre ce que veulent les gens et ce qui est pratiqué sur le terrain pourrait constituer un dilemme de légitimité différé si elle n'est pas traitée.
Entre discours de coexistence et réalité de division
Sur le plan social, 64 % des répondants pensent que les Syriens ont réussi à des degrés divers à fusionner dans un même foyer, tandis qu'une majorité allant de 66 % à 78 % ne s'oppose pas à vivre à côté de personnes de différentes confessions ou religions. Pourtant, 85 % ont reconnu la propagation du discours sectaire, et 83 % l'existence de discrimination sectaire et religieuse. Ce paradoxe révèle que la tendance à la coexistence et à l'ouverture se heurte à une réalité quotidienne qui perpétue la division, et que l'identité nationale syrienne est encore en formation et peut être reconstruite si des politiques inclusives et une justice transitionnelle globale sont mises en place.
Position sur Israël : un consensus national rare
Sur les questions régionales, les Syriens ont montré un consensus remarquable concernant Israël. 78 % la considèrent comme la plus grande menace pour la région, 55 % comme le principal danger pour la Syrie elle-même, 74 % refusent de la reconnaître, et 70 % rejettent tout accord de paix sans la restitution du Golan. Cette position unifiée reflète que la Palestine et le Golan restent des éléments qui unissent les Syriens malgré leurs divisions internes, fournissant une base nationale interconfessionnelle pour construire un discours national inclusif. Mais elle place aussi toute approche pragmatique rapide face à une forte résistance sociale.
Religion et politique : vers une approche civile
Les résultats indiquent également une tendance populaire croissante à séparer les domaines religieux et politique, 57 % soutenant la séparation de la religion et de l'État, et 59 % estimant que la religiosité est principalement liée au comportement éthique et non aux seuls rituels. Ces chiffres suggèrent que l'humeur populaire préfère laisser la religion dans son domaine personnel et spirituel, tout en gérant les affaires publiques sur des bases civiles. Si cette tendance est exploitée, elle pourrait constituer une base pour reconstruire l'État loin de la politisation religieuse qui a alimenté les divisions pendant les années de guerre.
Espace numérique : liberté limitée par la désinformation
L'espace virtuel est apparu comme un nouvel élément de la vie publique, utilisé par 78 % des Syriens, 98 % possédant un compte sur les réseaux sociaux. 70 % l'utilisent pour exprimer des positions politiques, 67 % pour interagir avec des questions publiques, tandis que 76 % affirment pouvoir critiquer le gouvernement sans crainte. Ces chiffres révèlent une expansion sans précédent de la sphère publique numérique, mais elle s'accompagne d'un aspect négatif : 78 % estiment que ces plateformes renforcent le discours sectaire, et 80 % croient qu'elles contribuent à la diffusion de fausses informations. Ainsi, l'espace virtuel ouvre la porte à l'expression et à la participation, mais peut aussi devenir un outil de reproduction de la division.
Un tableau double
L'image générale dessinée par « l'indicateur arabe » en Syrie 2025 est un mélange d'espoir et d'inquiétude, d'ouverture et de discrimination, d'aspiration à la démocratie face aux craintes de pauvreté et de fragmentation. Ces résultats indiquent que les Syriens disposent d'un capital moral pouvant constituer une base pour construire une nouvelle légitimité politique, mais ce capital est fragile et susceptible de s'éroder s'il n'est pas rapidement traduit en améliorations tangibles des conditions de vie et politiques.
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