Dès que le téléphérique "Tatev Air" décolle de la station dans la province de Syunik, au sud de l'Arménie, un enregistrement audio en arménien et en anglais informe les passagers que le financier du projet, l'homme d'affaires arménien Ruben Vardanyan, est emprisonné en Azerbaïdjan. Ce message est censé être un signe de solidarité avec le philanthrope qui a financé un projet à but non lucratif dont tous les revenus servent à restaurer le monastère médiéval de Tatev. Cependant, pour moi, c'était un signe clair que l'accord de paix signé entre Erevan et Bakou, pour lequel cette région est un point clé, laisse plusieurs questions en suspens, y compris le dossier des prisonniers.
À Syunik, plus précisément à Meghri, la "Route internationale de la paix et de la prospérité Trump", également connue sous le nom de Zangazur, doit relier l'Azerbaïdjan à l'enclave de Nakhitchevan, puis à la Turquie.
Cette route est une pierre angulaire de la paix promise par le président américain Donald Trump à la Maison Blanche le 8 août, visant à mettre fin à des décennies de conflit entre les parties et à imposer un cessez-le-feu. L'accord a été signé après une rencontre entre le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev et le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan à Abou Dhabi.
Il n'y a pas encore de détails sur le tracé exact du corridor, sa gestion ou son constructeur, si ce n'est que ce sera un partenariat américano-arménien.
Il n'est pas non plus clair si le corridor sera exclusif à l'Azerbaïdjan et à la Turquie, ou s'il s'agira d'une route ou d'une voie ferrée accessible uniquement aux camions ou trains azerbaïdjanais sans possibilité de sortie, et si les véhicules arméniens y auront accès. La longueur du corridor est communément estimée à environ 43 kilomètres.
En général, Meghri est une petite ville à la frontière arménienne avec l'Iran, comptant environ 4500 habitants, mais elle pourrait devenir un point chaud géopolitique. L'accord signé n'est pas seulement une étape vers la fin de décennies d'hostilités frontalières, mais pourrait redessiner la carte des corridors commerciaux dans le Caucase du Sud et introduire les États-Unis comme un nouvel acteur dans l'équation d'influence régionale.
L'Iran considérait Meghri comme une porte d'entrée clé vers l'Europe et le Caucase et un potentiel point d'appui stratégique dans l'Union économique eurasienne en difficulté, mais le corridor la coupe de l'Arménie, ce qui explique en partie la réaction violente de Téhéran au projet du corridor Trump. De plus, ce corridor offre à Washington une position sensible en contact avec l'Iran.
Pour Moscou, l'accord marque un recul de son influence, surtout que la supervision supposée par des entreprises américaines d'un corridor stratégique dans le Caucase du Sud réduira son rôle dans une région qui a longtemps tourné autour de son orbite et qu'elle considérait comme sous sa protection sécuritaire.
En Arménie, la route elle-même suscite un large débat. Pour Erevan, la controverse ne porte pas seulement sur les détails diplomatiques et législatifs, mais aussi sur les opportunités économiques concrètes que ce nouveau projet pourrait offrir.
Politiquement, il y a une division entre ceux qui affirment que la loi arménienne sur les terres limite la location de propriétés non agricoles aux étrangers et que tout changement nécessite un vote parlementaire et peut-être un référendum populaire, et ceux qui avancent des précédents qui n'ont pas affecté la souveraineté, comme l'aéroport international de Zvartnots, le chemin de fer du Caucase du Sud et le réseau d'eau de Erevan, qui sont gérés depuis des années sous contrats étrangers tout en restant propriété de l'État.
Un véritable désir de paix
Au-delà de la division politique dans le pays et malgré la prudence imposée par l'ambiguïté entourant les détails de l'accord, un véritable désir d'exploiter les opportunités potentielles de paix et d'ouvrir les frontières après des décennies d'isolement se fait sentir.
Cependant, il y a un consensus entre les opposants et les partisans de l'accord que le maintien du blocus terrestre avec la Turquie et l'Azerbaïdjan transforme l'Arménie en une île accessible uniquement par l'Iran, ce qui l'expose à toute tension entre Téhéran et l'Occident.
À Syunik, comme à Jermuk et Erevan, et peut-être dans toute l'Arménie, on ressent un véritable désir de paix chez un peuple "né avec une valise", épuisé par les catastrophes et les guerres, la dernière étant la perte du Haut-Karabakh, malgré le courant populaire large qui refuse toujours de céder davantage de territoire, surtout que Bakou exige que l'Arménie abandonne une clause constitutionnelle liée à l'indépendance qui fait explicitement référence à son droit sur le Haut-Karabakh.
Michael Kirschbaumer, qui dirige une station thermale à proximité de Jermuk, déclare : "La dernière guerre a épuisé la région. Nous voulons la paix, plus de guerres."
Kirschbaumer est autrichien, marié à une Arménienne et vit dans le pays depuis plus de vingt ans. Il parle avec enthousiasme des potentialités de la région, du tourisme médical aux loisirs et aux vacances d'été.
Certains ne s'accrochent même plus au Haut-Karabakh, arguant que ce ne sont "que des étendues rocheuses qui ne valent pas plus de morts".
Il ne fait aucun doute que lever l'isolement de l'Arménie, pays de trois millions d'habitants avec un PIB inférieur à 15 milliards de dollars, est une condition nécessaire pour attirer les investissements et réduire l'émigration de la main-d'œuvre.
Lucine Gevorgyan, présidente du comité du tourisme en Arménie, déclare : "Après la signature de l'accord de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, nous espérons que la paix régnera dans la région, et nous nous attendons à ce que cela fasse une grande différence et attire des investissements, surtout après l'ouverture des frontières."
...À l'instar de "Tatev Air", inscrit dans le Livre Guinness des records comme le plus long téléphérique du monde (5752 mètres), dont les revenus ont permis la restauration d'un monastère considéré comme un joyau de l'architecture arménienne médiévale et qui abritait une université ayant formé de grands savants de cette époque, la paix potentielle annonce des opportunités prometteuses pour l'Arménie, même si son chemin ne semble pas aussi facile que celui du téléphérique Tatev et pourrait nécessiter des sacrifices douloureux.
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