Une victoire en paroles mais une défaite en réalité

Enfin, la première phase d'un accord de trêve entre Israël et le Hamas a été annoncée, sous le parrainage direct du président américain Donald Trump. Il comprend la libération d'un certain nombre d'otages israéliens en échange de centaines de prisonniers palestiniens, ainsi qu'un retrait partiel des forces israéliennes de certaines zones de Gaza.

L'accord est intervenu après deux ans de combats qui ont détruit presque tout dans la bande de Gaza, laissant des milliers de morts et de blessés dans une guerre qui n'a apporté rien de nouveau sinon la douleur.

Cependant, comme toujours, le Hamas s'est empressé, et ses partisans ici aussi, de présenter cette trêve comme une "nouvelle victoire", et les médias proches commenceront à parler d'une "grande victoire politique", alors que la vérité est que ce qui s'est passé n'est qu'une tentative désespérée de sauver la face après deux ans de tragédies et de défaites.

Ce n'est pas la première fois que l'échec est transformé en héroïsme. Depuis des années, le discours de l'islam politique vit de ce type de victoires verbales qui ne se traduisent en rien dans la réalité. C'est une logique basée plus sur l'illusion que sur la politique. Chaque perte peut être présentée comme une preuve de résistance, et chaque recul vendu comme un pas vers la libération. Pourtant, les chiffres, les faits et le sang ne mentent pas : Gaza est aujourd'hui plus détruite, plus pauvre que jamais, et plus isolée du monde qu'à aucune autre période. Alors, comment parler de victoire dans ce contexte de dévastation ?

La trêve annoncée, comme le montrent clairement ses détails, n'a rien changé de fondamental dans l'équilibre des forces. Ce n'est qu'une pause temporaire imposée par la nécessité politique aux deux parties : Israël, qui veut récupérer ses captifs et améliorer son image internationale, et le Hamas, qui a besoin de tout accomplissement qu'il peut vendre à son public après une longue série de catastrophes. Chaque partie tente d'exploiter le moment à sa manière, mais la partie la plus faible — comme d'habitude — paie le prix fort.

Bien que cet accord ait été présenté médiatiquement comme le résultat d'une "médiation qatarie réussie", le rôle réel que joue Doha dans ce dossier n'est plus un secret. Le Qatar, qui se présente comme un médiateur honnête, ne l'est pas en réalité. C'est une partie active dans la production de la crise plus qu'elle ne fait partie de sa solution. Pendant des années, le Qatar a utilisé l'islam politique comme un outil d'influence régionale. Ce petit État, dont la taille et la position ne lui permettent pas d'être un acteur majeur, a trouvé dans le parrainage des mouvements islamiques son moyen garanti de rester dans le jeu.

Grâce à son empire médiatique, il a réussi à créer un discours cohérent liant la victimisation et l'héroïsme, la résistance et la victoire, même si le résultat sur le terrain est une dévastation complète.

Maintenant, avec le nouvel accord de Trump, Doha répète la même méthode : elle se présente comme un médiateur essentiel qu'on ne peut contourner et ajoute une dimension humanitaire à l'accord pour cacher la profondeur des calculs politiques. Mais elle sait, comme tout le monde, que la poursuite de la crise est une condition pour rester dans ce rôle. Plus le saignement dure, plus le médiateur devient important. Et chaque fois que la guerre revient, le Qatar revient au premier plan. Pour cette raison, aucun effort réel n'est fait pour mettre fin à la tragédie, mais plutôt pour la gérer et prolonger sa durée.

Le discours médiatique soutenant le Hamas et le Qatar fonctionne maintenant à plein régime, et nous sommes assurés d'avoir des titres de "grande victoire" qui domineront les journaux et les bulletins d'information, avec des analystes parlant d'une "nouvelle phase du conflit", alors que la vérité est que rien n'a changé. La bande de Gaza détruite restera sous blocus, Israël détient toujours les clés des passages, de l'air et de la mer, l'économie palestinienne est en effondrement total, et le monde regarde de loin un peuple qui étouffe sous ses décombres. Mais la scène de propagande insistera sur le fait que ce qui s'est passé est une victoire. Une victoire en paroles seulement, pas en réalité.

La tragédie est que ce discours ne trompe personne autant qu'il se trompe lui-même. Les gens de Gaza connaissent la vérité. Ils savent que la direction qui parle en leur nom n'a pas de vision politique et mise sur les médias pour compenser la légitimité qu'elle a perdue. Ils savent que la victoire ne se fait pas en libérant des prisonniers contre des otages, mais quand les guerres cessent et qu'un pays peut être construit qu'on peut appeler une patrie. Ils savent que ceux qui investissent dans leur sang pour prouver leur présence ne sont pas des leaders, mais des spectateurs de la destruction de loin.

Oui, ce qui se passe en Palestine est une injustice historique et une colonisation continue, et la responsabilité d'Israël dans la poursuite de la tragédie ne peut être niée. Mais affronter l'occupation ne justifie pas l'aveuglement politique, ni ne donne à personne le droit de transformer la tragédie des gens en marchandise sur le marché de l'influence régionale. La résistance ne se mesure pas au nombre de martyrs ni à la taille des décombres, mais à sa capacité à protéger l'homme et à transformer la résistance en une vie possible, pas en une mort continue.

Ce dont la Palestine a besoin aujourd'hui, ce n'est pas d'un nouveau médiateur, ni d'une trêve accordée contre des concessions symboliques, ni d'un discours qui vend l'illusion au nom de l'héroïsme. Elle a besoin d'une direction qui comprend le monde tel qu'il est, pas tel qu'elle l'imagine. Une direction qui sait que la dignité ne se récupère pas par des slogans, et que la politique n'est pas une trahison, mais un moyen de survie. Chaque trêve vendue comme une victoire, chaque accord présenté comme une "victoire claire", n'est qu'un nouveau chapitre de la tromperie collective que paient les innocents.

Demain, lorsque les photos des prisonniers libérés seront publiées, les médias applaudiront, et les mêmes phrases seront répétées : "Gaza a gagné." Mais en arrière-plan, la destruction restera un témoin de la vérité qui n'a pas besoin de traduction : nous faisons face à une nouvelle défaite, seulement cette fois présentée dans un langage plus élégant.