Le journal français Libération a discuté du succès croissant et de la diffusion de l'application "Substack" pour les newsletters, s'interrogeant sur la menace qu'elle représente pour les médias traditionnels.

Le journal souligne que la principale caractéristique de l'application est l'absence de restrictions sur la forme, l'orientation politique ou le rédacteur en chef. Bien qu'elle ait commencé récemment à se répandre en France, elle a attiré des journalistes et intellectuels aux États-Unis, qui entretiennent une relation directe et parfois lucrative avec des dizaines de milliers de lecteurs.

Substack, une plateforme américaine de newsletters payantes, permet de publier du contenu d'actualité (articles, analyses, éditoriaux), accessible via un abonnement mensuel à partir de 5 euros, avec une commission de 10 % pour l'application. Ainsi, la plateforme et les journalistes éditeurs tirent un revenu de leur public abonné.

Pour illustrer, les journalistes créatifs trouvent dans l'application une opportunité de présenter leurs newsletters distinctives et gagnent des abonnés qui préfèrent leur contenu, alors qu'auparavant, la diffusion était liée aux sites d'information cherchant à attirer des publicités et générer des revenus.

Concernant l'impact financier, Libération décrit que certains journalistes américains gagnent des salaires comparables à ceux des joueurs de football grâce à Substack. En juillet, la société a levé 100 millions de dollars, avec une valorisation dépassant un milliard de dollars.

Les stars culturelles voient leurs comptes croître rapidement. Par exemple, la propriétaire de l'application, l'historienne Heather Cox Richardson, dont "American Letters" (articles sur l'actualité vue sous un angle historique) a attiré 2,6 millions d'abonnés, aurait dépassé les 100 000 abonnés payants, ce qui équivaut à au moins 500 000 euros par mois.

Le journal a recueilli les impressions de spécialistes, citant l'un d'eux : "C'est la meilleure source d'information que je connaisse ! Surtout concernant mes sujets actuels : technologie, géopolitique, intelligence artificielle, avenir de la protection sociale."

Il note que des centaines de journalistes français sont déjà présents sur le site en tant qu'observateurs, tandis que les éditeurs restent peu nombreux. Parallèlement, des dizaines d'économistes de renom ont mis en garde contre le "risque d'effondrement" du journalisme de qualité face à la concurrence "déloyale" de l'IA et des plateformes.

Farah Store, journaliste britannique responsable des partenariats avec les éditeurs européens chez Substack, explique que l'application se situe à mi-chemin entre un réseau social et une plateforme de blogs, combinant le meilleur des deux : la confidentialité des newsletters et la portée d'un réseau, selon elle.

Liberté d'expression et promesse d'indépendance financière

La journaliste française Laurène Bastide, suivie par 20 000 personnes sur Substack, dont plus de mille abonnés payants, déclare : "J'y retrouve le plaisir des premiers blogs ; c'est une fenêtre pour présenter mes activités, une liberté totale, un lieu convivial et une sorte de refuge sûr."

Bastide commence chaque message du vendredi par "Bonjour chers amis". Loin des conflits sur la plateforme X, Substack est perçue comme une application privilégiant la profondeur plutôt que le bruit. Farah Store affirme avec fierté que les utilisateurs évitent les positions hâtives et les algorithmes agressifs, notant qu'après la mort de l'influenceur de droite Charlie Kirk, Substack a publié peu d'analyses tandis que X était inondé de vidéos.

Libération indique que tous les utilisateurs louent l'application : pas de restrictions sur la forme, pas de ligne politique, pas de rédacteur en chef, confirmant qu'elle a attiré journalistes et intellectuels vers la liberté d'expression et la promesse d'indépendance financière.

Le dilemme de la personnalisation des médias

Le journal s'interroge : l'application, qui est un point de départ et même une pépinière pour les nouveaux médias, peut-elle battre le journalisme traditionnel ?

Le journaliste et producteur français François Saltiel répond : "Nous n'en sommes pas encore là", ajoutant : "Mais nous assistons à un mouvement de personnalisation des médias, qui a déjà commencé avec YouTube, fragmentant l'espace en un ensemble de médias."

Aux États-Unis, le journal note que des journalistes célèbres ont quitté les rédactions et ouvert leurs comptes Substack, tels que Joy Reid de MSNBC, Jim Acosta de CNN, Charlie Warzel du New York Times, et récemment, Piers Morgan, célèbre animateur britannique et conservateur.

Libération souligne que certains utilisateurs préfèrent s'abonner à deux ou trois personnalités de confiance plutôt que de suivre les grands journaux. Saltiel décrit la relation comme émotionnelle, pas seulement intellectuelle, car ils leur confient le choix des informations à conserver, la manière de les interpréter et, en fin de compte, leur vision du monde, soulignant le dilemme de la personnalisation des médias.

Le journal conclut que les nouveaux éditeurs en ligne sont des influenceurs d'opinion qui ne perçoivent pas de salaires des journaux, mais de leurs "abonnés".