Depuis le début de l'année 2025, l'or a enregistré une performance exceptionnelle, surpassant la plupart des autres classes d'actifs. Le prix du métal précieux a augmenté de plus de 28 % depuis le début de l'année, soutenu par des attentes croissantes de baisse des taux d'intérêt américains, la baisse des rendements réels des obligations, ainsi que par l'escalade des tensions géopolitiques et commerciales mondiales. Une forte demande des banques centrales, notamment dans les économies émergentes, a également contribué à pousser les prix à des niveaux records proches de 3 500 dollars l'once, s'approchant de son plus haut historique.

Cette performance reflète la transformation de l'or, passant d'un simple actif défensif à un outil stratégique clé dans la gestion des risques et la protection de la richesse dans un environnement économique incertain et turbulent.

Pour la première fois depuis 1996, la part de l'or dans les réserves des banques centrales mondiales a dépassé celle des bons du Trésor américains, le métal précieux représentant aujourd'hui entre 25 % et 27 % du total des réserves, contre environ 23 % ou moins pour les bons américains, selon les dernières estimations. Ce changement reflète une tendance mondiale croissante à la diversification des actifs et à la réduction de la dépendance au dollar en tant que monnaie de réserve dominante, face aux pressions financières dues à l'augmentation de la dette publique américaine et au creusement du déficit budgétaire.

Stratégiquement, ce changement ne représente pas seulement un échange dans la composition des réserves, mais signale une tendance plus profonde vers la refonte du système financier mondial, l'or retrouvant sa place d'actif central dans les politiques des banques centrales.

Pour comparaison, entre 2008 et 2015, ce ratio variait entre 10 % pour l'or et 30 % pour les bons du Trésor américains, avant que la situation ne bascule radicalement en faveur du métal jaune ces dernières années.

Les récentes évolutions politiques et économiques ont accéléré ce changement. Les droits de douane de 50 % imposés par Washington à l'Inde ont marqué un nouvel approfondissement de la division Est-Ouest, renforçant la poussée des économies émergentes vers la constitution de réserves basées sur l'or et les métaux précieux dans le cadre d'un processus de "désengagement du dollar" ou du moins de réduction de sa domination absolue sur le système financier mondial.

Les dernières données sur le marché du travail américain ont encore compliqué la situation. Malgré la création continue d'emplois, l'économie n'a ajouté qu'environ 73 000 emplois en juillet, le taux de chômage passant de 4,1 % à 4,2 %, tandis que la croissance des salaires est restée à 3,9 % par an. Ce mélange de ralentissement de l'emploi et de pressions salariales renforce les craintes d'un environnement de stagflation, poussant les investisseurs et les banques centrales à accroître leur dépendance à l'or comme option stratégique pour compenser la baisse de confiance dans le dollar et les instruments de dette américains.

Les attentes croissantes d'une baisse des taux d'intérêt par la Réserve fédérale en septembre ont donné un nouvel élan aux mouvements de l'or. Les marchés à terme évaluent actuellement une probabilité de plus de 80 % d'une baisse de 25 points de base lors de la réunion de septembre, avec des baisses plus importantes possibles mais moins probables. Cela intervient alors que la Fed subit une pression politique sans précédent de la Maison Blanche, parallèlement aux récentes déclarations de Jerome Powell ouvrant la porte à un assouplissement monétaire. Ce scénario se reflète dans la courbe des rendements américaine, où les rendements des obligations à deux et dix ans ont chuté, signalant une augmentation des paris sur un ralentissement de la croissance économique.

Dans un tel environnement, caractérisé par des rendements réels bas et un attrait décroissant du dollar, l'or reste le principal bénéficiaire en tant qu'actif stratégique pour la couverture et la préservation de la valeur.

Dans ce contexte complexe, l'attention ce mois-ci se porte sur le rapport sur l'emploi américain du vendredi 5 septembre 2025, qui donnera des indications plus claires sur la solidité du marché du travail et sur l'ampleur des craintes de stagflation. Cependant, l'événement le plus important reste la réunion de la Réserve fédérale des 16 et 17 septembre, les investisseurs attendant une possible baisse des taux d'intérêt pour la première fois depuis plus de deux ans. Entre pressions inflationnistes, ralentissement de la croissance et divisions géopolitiques, ces deux événements détermineront la trajectoire à court terme des marchés financiers, l'or restant le principal candidat comme boussole d'investissement face à toute cette incertitude.