Dans la ville jordanienne de Jérash, précisément sous l'hippodrome romain, une équipe internationale pluridisciplinaire de chercheurs a découvert une preuve génétique directe de la bactérie Yersinia pestis, responsable de la peste, à l'intérieur de dents humaines enterrées il y a environ 1500 ans.

Cette découverte met fin à l'un des plus anciens débats scientifiques historiques, les historiens ayant discuté pendant des siècles des causes de cette peste dévastatrice qui a tué des millions de personnes et remodelé l'Empire byzantin.

La peste de Justinien est apparue pour la première fois dans les archives historiques à Peluse (aujourd'hui Farama) en Égypte romaine, avant de se propager dans tout l'Empire romain d'Orient, ou byzantin. Alors que des traces de cette bactérie avaient été trouvées auparavant à des milliers de kilomètres dans de petits villages d'Europe occidentale, aucune preuve n'avait été trouvée à l'intérieur de l'empire lui-même ou près du foyer de l'épidémie.

Selon deux études publiées simultanément dans les revues Genes et Pathogens, la première pandémie enregistrée, connue sous le nom de peste de Justinien, était bien une peste causée par cette bactérie, la même qui a causé la peste noire huit siècles plus tard.

Après son origine en Égypte, la peste s'est propagée autour de la Méditerranée jusqu'en 544 après J.-C., puis a continué vers le nord de l'Europe et la péninsule arabique jusqu'en 549 après J.-C., suivie de vagues récurrentes sur deux siècles, ce qui signifie qu'il ne s'agissait pas d'une seule vague qui s'est rapidement terminée.

Les scientifiques ont examiné huit dents humaines extraites de chambres funéraires construites à la hâte sous l'ancien hippodrome romain de Jérash, ce qui suggère un décès massif rapide, d'autant plus que la transformation d'un lieu de divertissement en cimetière collectif indique une crise d'urgence et montre comment les centres urbains étaient probablement submergés par les épidémies.

L'équipe a utilisé des techniques d'ADN ancien ciblées pour capturer des fragments génétiques spécifiques à la peste, réussissant à les lire et à confirmer l'identité du microbe.

Le résultat principal est que les souches découvertes étaient très proches entre les victimes, ce qui correspond à une épidémie rapide. La datation scientifique situe ces infections entre environ 550 et 660 après J.-C., au cœur de l'époque de la peste byzantine.

Les dents — en particulier la pulpe dentaire — agissent comme des réservoirs précis du sang et de son contenu au moment du décès. Après des siècles, des fragments d'ADN bactérien peuvent rester préservés dans ces chambres protégées.

Aujourd'hui, les chercheurs utilisent des sondes moléculaires qui "capturent" des fragments spécifiques du génome de la peste parmi une masse d'ADN dégradé, puis lisent les séquences avec des technologies de séquençage très sensibles. Lorsque les mêmes signaux se répètent chez plusieurs individus du même lieu et de la même époque, cela constitue une preuve solide d'une épidémie et non d'infections isolées.

De plus, en analysant des centaines de génomes anciens et modernes de Yersinia pestis, y compris ceux récemment récupérés à Jérash, les chercheurs ont découvert que cette bactérie était répandue parmi les populations humaines depuis des milliers d'années avant l'épidémie de Justinien.

L'équipe a également constaté que les pandémies de peste ultérieures, de la peste noire au XIVe siècle aux cas encore observés aujourd'hui, ne descendaient pas d'une souche ancestrale unique, mais apparaissaient indépendamment et de manière répétée à partir de réservoirs animaux anciens, se propageant en plusieurs vagues à travers différentes régions et époques.

Ce schéma récurrent contraste fortement avec la pandémie de COVID-19, qui est née d'un seul événement de transmission et a évolué principalement par transmission interhumaine. Ensemble, ces découvertes révolutionnaires reconfigurent notre compréhension de l'apparition et de la propagation des épidémies, aidant l'humanité à se préparer à la prochaine pandémie.