Expert irakien - Haider Abduljabbar Al-Battat

La société américaine ExxonMobil revient aujourd'hui investir dans le champ pétrolier de Majnoon comme si rien ne s'était passé et comme si son passé d'échecs et de violations avait été effacé de la mémoire.

La vérité est que ce retour n'est pas une étape vers le développement, mais une crainte de reproduire les mêmes lacunes qui ont coûté à l'Irak des milliards de dollars de pertes au cours de la dernière décennie.

Premièrement : - Défaut dans la philosophie contractuelle

Le contrat signé avec ExxonMobil représente, à mon avis, un défaut fondamental dans la philosophie de gestion de la richesse pétrolière irakienne, car il permet aux entreprises étrangères d'entrer et de sortir des champs pétroliers selon leurs intérêts commerciaux, tandis que l'Irak supporte les charges politiques et économiques.

La société qui s'était précédemment retirée du champ de West Qurna-1 et avait vendu sa part à la société pétrolière de Bassorah pour 350 millions de dollars avait déjà récupéré tous ses coûts d'investissement et avait même dépassé ses bénéfices de plusieurs dizaines de fois le coût réel si les travaux avaient été réalisés par l'effort national.

Avec ce modèle, les contrats pétroliers sont passés d'un outil de développement à des transactions spéculatives aux dépens de l'intérêt public.

Deuxièmement : - Lacunes techniques et économiques dans l'exécution des contrats

L'expérience précédente d'ExxonMobil a révélé une série d'erreurs systématiques, notamment :

    • Des niveaux de récupération des coûts (Cost Recovery) injustifiés qui ont épuisé la rente nationale au profit des entreprises.
    • Une politique de production excessive sans maintien des pressions du réservoir, ce qui réduit rapidement la durée de vie du champ et entraîne la perte de quantités énormes de pétrole non extractible à l'avenir.
    • La négligence de l'investissement dans le gaz associé, car les contrats n'incluaient pas d'engagements réels pour construire des usines de traitement du gaz, de production d'électricité ou des projets d'injection d'eau.
    • L'absence de dimension environnementale dans la conception et la gestion, en particulier dans les régions du sud où le faible engagement environnemental a contribué à l'augmentation des taux de cancer et de pollution à Bassorah.

Troisièmement : - Échec du projet d'injection d'eau et de dessalement du Golfe

Un des échecs majeurs de la société est le projet de dessalement de l'eau du Golfe et d'injection d'eau dans les champs du sud, qui était censé maintenir la pression des réservoirs pétroliers et augmenter la production durable.

Cependant, le projet n'a pas été réalisé malgré des dépenses de centaines de millions de dollars, ce qui a conduit à une détérioration significative des pressions des réservoirs, une augmentation des taux de gaz et d'eau dans la production, et une aggravation de la crise de l'eau dans le sud. À mon avis, c'est un énorme gaspillage d'argent public !

La société utilise encore l'eau des rivières pour l'injection, causant un préjudice direct à des millions de citoyens à Bassorah, ce qui constitue une violation environnementale et juridique claire du droit humain à l'eau potable.

Quatrièmement : - Retraits politiques, pas techniques

Le retrait d'ExxonMobil de ses projets précédents n'était pas pour des raisons financières ou techniques, mais pour des raisons purement politiques et commerciales liées à l'équilibre de l'influence américano-chinoise dans le secteur pétrolier irakien.

Aujourd'hui, son retour dans de nouvelles circonstances ne profite pas à l'Irak mais sert ses intérêts géopolitiques liés au contrôle des mécanismes de production et d'exportation dans le sud.

Ce qu'on appelle (l'accord sur les principes généraux) pour développer le champ de Majnoon ne doit pas être compris, selon nous, comme un accord d'investissement innocent, mais comme une partie d'un repositionnement politique de l'énergie dans la région.

Cinquièmement : - Erreur de confier les champs producteurs aux étrangers

Il n'est ni légal ni économique de confier les champs producteurs gérés par l'effort national à des entreprises étrangères sous forme de partenariat ou de développement.

L'Irak est aujourd'hui limité par des quotas de production de l'OPEP Plus, ce qui signifie qu'une augmentation de la production par une entreprise étrangère correspond à une réduction de la production des champs nationaux — nous transférons donc la rente de l'État aux entreprises étrangères sans augmenter la part totale.

De plus, ces confessions font perdre à l'Irak le contrôle de la gestion de ses ressources et augmentent le chômage en réduisant les opportunités d'emploi nationales.

Sixièmement : - Violations légales précédentes

ExxonMobil n'est pas nouvelle dans la violation légale de la souveraineté irakienne.

En 2011, la société a signé des contrats avec la région du Kurdistan sans l'approbation du gouvernement fédéral, ce qui a constitué une violation de la constitution irakienne et a conduit à un long litige judiciaire qui a retardé la distribution des revenus pétroliers.

La société n'a pas non plus respecté auparavant les exigences du ministère du Pétrole en matière de divulgation financière complète et n'a pas fourni de rapports précis sur les dépenses réelles des projets.

Septièmement : - Responsabilité du gouvernement irakien

Le gouvernement irakien est aujourd'hui confronté à un véritable test : va-t-il répéter les erreurs du passé et permettre la reproduction du modèle (Entrer - Gagner - Sortir) ou prendra-t-il une décision souveraine audacieuse pour restructurer le système des contrats pétroliers ?