Des milliers de Marocains sont récemment descendus dans la rue lors de manifestations pacifiques, exprimant des revendications claires : le droit à une éducation de qualité et à une santé digne. Les slogans n'étaient pas liés à des choix politiques, mais portaient sur les détails de la vie quotidienne du citoyen ordinaire : des classes surchargées et des hôpitaux manquant de personnel et de médicaments. Pourtant, ces manifestations sont devenues un sujet de controverse politique dans les médias algériens.

La couverture médiatique algérienne n'a pas seulement mis en lumière les événements, elle les a présentés comme une quasi-insurrection politique : des titres exagérés et un lien direct entre les revendications sociales et les attaques contre le régime monarchique ont vidé la scène de son contenu réel. Plus important encore, cette interprétation a ignoré des éléments essentiels : d'abord, le caractère pacifique des manifestations menées de manière civilisée, loin du chaos (à l'exception de quelques incidents isolés dont les leaders de la génération Z se sont désolidarisés) ; ensuite, la responsabilité de l'État d'améliorer les services de base en tant que droit constitutionnel ; et enfin, et surtout, que ce type de protestation reflète la vitalité de la société civile plutôt que l'effondrement du système politique.

Plus grave encore, ce discours médiatique algérien occulte une vérité évidente : les crises de la santé et de l'éducation ne sont pas exclusives au Maroc. Elles constituent un dilemme maghrébin par excellence. Les hôpitaux souffrant d'un manque de médecins et d'équipements existent également en Algérie, en Tunisie et en Libye. Les écoles qui peinent à absorber le nombre croissant d'élèves ou à répondre aux exigences du marché du travail ne sont pas un problème marocain seulement, mais une souffrance partagée dans toute la région. Si le Maroc est dans une meilleure situation que beaucoup de ces pays, notamment l'Algérie, c'est encore plus vrai. Transformer ces crises en matière de surenchère politique masque la nécessité d'une réforme régionale globale qui reconnaisse ce qui unit les peuples plus que ce qui les divise.

Par la paix et l'organisation de ses manifestations, la rue marocaine a montré que les revendications du droit à la santé et à l'éducation peuvent être portées de manière civilisée, reflétant la conscience du citoyen de sa dignité et de ses droits. Cependant, lorsque les médias algériens ont vidé cette scène de ses véritables significations, ils ont manqué une occasion précieuse de débat sérieux sur la manière dont les pays de la région investissent dans l'humain et orientent les ressources vers la construction d'écoles et d'hôpitaux plutôt que d'alimenter des conflits politiques stériles.

La vérité ignorée par ce discours médiatique incitatif est que la demande de santé et d'éducation n'est pas la preuve de la faiblesse d'un État particulier, mais le désir de tous les peuples de la région pour une vie meilleure. Ce n'est pas un sujet de moquerie ou d'incitation, mais un appel collectif qui mérite une réponse et une coopération.

Une pancarte portée par un jeune dans les rues de Marrakech réclamant une bonne école publique signifie bien plus qu'une "crise marocaine". C'est un miroir reflétant une revendication régionale collective : une vie meilleure dans une patrie qui respecte l'homme. Comprendront-ils la leçon ?