L'élargissement du partenariat sino-russe lors du sommet de coopération de Shanghai, et la présence du président russe Vladimir Poutine au défilé militaire à Pékin, ont inquiété la communauté occidentale, notamment l'Europe. Ils symbolisent le renforcement des liens entre deux puissances orientales soutenues par des pays s'opposant ou ne s'alignant pas actuellement sur les politiques américaines, comme l'Inde, l'Iran et la Turquie. Cependant, la compétition cachée entre le dragon chinois et l'ours russe ne doit pas être négligée.

Les domaines de compétition sont vastes, mais reposent sur un principe clair : l'expansion chinoise contre le déclin russe. La guerre en Ukraine et ses répercussions sur la Russie ont accéléré la montée en puissance de la Chine à la tête du monde oriental. Moscou est accablée par les sanctions et presque isolée de l'Occident, ce qui affecte sa position économique mondiale et son influence internationale, tandis que Pékin a saisi cette opportunité pour s'étendre dans plusieurs domaines.

L'Asie centrale, autrefois partie de l'Union soviétique, pourrait être le terrain le plus affecté dans la compétition interne entre la Chine et la Russie. Le Tadjikistan et le Kirghizistan, autrefois considérés comme le "jardin arrière" de la Russie et des zones d'influence politique, sécuritaire et vitale, ont vu la politique chinoise progresser grâce à l'expansion et aux infrastructures de transport, tandis que la présence russe a diminué en raison de son implication en Ukraine.

L'analyste des affaires étrangères et spécialiste de l'Europe de l'Est et de la Russie, Ulrich Baumann, aborde la compétition sino-russe en Asie centrale dans un entretien avec "An-Nahar", ajoutant l'Afrique comme un autre terrain où la Chine est active économiquement et même militairement, héritant de la position de la Russie et prospectant des ressources naturelles à investir dans le cadre de son expansion mondiale et de ses lignes d'approvisionnement.

Fait notable, l'expansion chinoise ne se limite pas aux zones d'influence extérieures de la Russie, mais touche également ses parties orientales adjacentes, riches en ressources naturelles. Baumann révèle une "tendance" des capitaux, investisseurs et même des travailleurs chinois à se diriger vers l'intérieur de la Russie, en particulier la Sibérie, un mouvement qui inquiète la Russie quant à l'expansion et à l'influence chinoises à l'intérieur de ses frontières.

La compétition militaire est également un domaine entre les deux. Le défilé militaire chinois à Pékin est le plus avancé, et la Chine est désormais activement présente sur le marché mondial des armes, après la domination précédente de la Russie. Baumann souligne les progrès de la Chine dans les missiles, les drones et les capacités nucléaires, et rapporte des tentatives chinoises d'espionnage des industries militaires russes et de vol de leurs technologies.

L'expansion chinoise dans les zones d'influence russes est une conséquence réaliste des changements récents. La pression économique sur la Russie a limité ses options d'exportation d'énergie, sa principale source de revenus, faisant de la Chine le principal acheteur. La dépendance de Moscou à l'égard de Pékin a augmenté, tandis que la Chine a cherché à diversifier ses options et à ne pas dépendre d'une seule source, affaiblissant la Russie et renforçant la Chine, selon Baumann.

Cette réalité a placé la Chine en tête de la compétition et l'a positionnée comme leader du bloc oriental opposé aux États-Unis et à l'Occident, grâce à sa puissance économique, qui ne se compare plus aux capacités russes et à son influence croissante. Cependant, Baumann souligne un point important : la Chine ne présente pas la Russie comme "plus faible", et Poutine laisse toujours entendre dans ses déclarations que son pays est une puissance mondiale jouant un rôle central.