Le fleuve Nil connaît actuellement un changement remarquable dans l’équilibre des débits de ses principaux affluents, avec une baisse notable des apports du Nil Bleu contrastant avec une montée inhabituelle du Nil Blanc. Cette situation soulève des questions sur le fait que le barrage de la Renaissance en Éthiopie ait effectivement commencé à redessiner la carte du plus long fleuve du monde.

Le ministère soudanais de l’Irrigation et des Ressources en Eau a annoncé une augmentation sans précédent des débits du Nil Blanc, avertissant les populations riveraines des risques d’inondation, notamment dans les zones situées entre Al-Jabalain et Jabal Al-Owlia au sud de Khartoum.

Dans un communiqué officiel, la Direction générale des affaires des eaux du Nil au ministère soudanais de l’Irrigation a indiqué mercredi que les crues du Nil Bleu ont commencé à refluer en raison de la baisse des débits provenant des barrages éthiopiens, tandis que le Nil Blanc enregistre une augmentation régulière de son débit, atteignant 240 millions de mètres cubes à la station de Malakal, contre 135 millions pour le Nil Bleu et 59 millions pour le fleuve Atbara. Concernant les barrages au Soudan, les débits du barrage de Roseires étaient de 191 millions de mètres cubes, ceux du barrage de Sennar de 223 millions, du barrage de Jabal Al-Owlia de 160 millions, et du barrage de Merowe, le dernier des barrages soudanais sur le Nil, de 635 millions de mètres cubes.

L’expert Al-Mufti : Le Nil Blanc hors de l’influence du barrage de la Renaissance

Cependant, l’expert soudanais en ressources hydriques, le Dr Ahmed Al-Mufti, a nié tout lien entre le barrage de la Renaissance et l’augmentation du débit du Nil Blanc, confirmant à Al Arabiya et Al Hadath que le Nil Blanc dépend entièrement des pluies du plateau équatorial et des Grands Lacs, des zones situées hors de l’influence du barrage éthiopien.

Des experts soudanais en eau ont expliqué que l’impact du barrage de la Renaissance se limite uniquement au Nil Bleu, tandis que le Nil Blanc est affecté par des facteurs naturels tels que de fortes pluies, une baisse des taux d’évaporation et la régulation des débits des barrages ougandais. Ils ont confirmé que l’augmentation actuelle est “naturelle et reflète l’abondance des pluies dans les zones sources.”

Le ministère soudanais de l’Irrigation : Une hausse naturelle due aux pluies africaines

De leur côté, des sources techniques du ministère soudanais de l’Irrigation ont déclaré à Al Arabiya et Al Hadath que l’augmentation des débits du Nil Blanc résulte des fortes pluies sur le plateau équatorial et le lac Victoria, ce qui a entraîné une hausse des niveaux des Grands Lacs et une augmentation des débits en sortie, ainsi que des lâchers d’eau des barrages ougandais.

Les sources ont confirmé que la situation reste “dans les limites naturelles pour cette saison,” soulignant que la hausse actuelle “reflète une dynamique climatique saisonnière plutôt qu’un changement structurel du fleuve.”

Cette évolution intervient alors que l’Éthiopie continue d’exploiter le barrage de la Renaissance pour la cinquième année après avoir achevé les étapes de remplissage progressif, affirmant que le projet est “national pour la production d’énergie” et ne vise pas à nuire aux pays en aval.

En revanche, l’Égypte et le Soudan considèrent que l’exploitation unilatérale du barrage constitue une menace directe pour leurs parts d’eau, nécessitant un accord juridique contraignant sur les règles de remplissage et d’exploitation.

Les experts estiment que la coïncidence des fortes pluies sur le plateau équatorial avec la baisse des débits du Nil Bleu rend difficile la distinction entre les effets climatiques et les impacts humains liés aux barrages, surtout dans un contexte de changements climatiques sans précédent dans le bassin du Nil.

Un changement dans la dynamique du fleuve ?

Malgré l’assurance du ministère de l’Irrigation que la situation est “sous contrôle,” des observateurs avertissent que la poursuite de la disparité des débits des deux principaux affluents pourrait indiquer un changement plus profond dans la dynamique du Nil, nécessitant une surveillance scientifique à long terme pour dresser une image précise de l’avenir des débits d’eau dans un nouveau contexte régional façonné à la fois par les barrages et le climat.

Les inondations de l’année dernière : des scènes inoubliables

L’année dernière, de vastes régions de l’État du Nil Blanc ont connu l’une des pires inondations de leur histoire récente, alors que les niveaux du fleuve atteignaient des hauteurs sans précédent, provoquant l’inondation de villages entiers et le déplacement de milliers d’habitants.

Les témoins oculaires ont décrit les scènes comme “terrifiantes au-delà de toute croyance,” les eaux envahissant maisons, routes et fermes, forçant les habitants à fuir massivement vers des zones plus sûres, laissant derrière eux leurs biens et leurs souvenirs.

Cette catastrophe est devenue un signal d’alarme précoce sur la fragilité des infrastructures hydrauliques soudanaises et la nécessité urgente de revoir la gestion des inondations et les systèmes d’alerte précoce, surtout face aux fluctuations climatiques marquées qui frappent le bassin du Nil.

Les observateurs considèrent que les événements de l’année dernière ne sont pas des incidents isolés, mais des indicateurs de changements plus profonds dans le comportement du fleuve, où les facteurs naturels et humains s’entrecroisent de manière sans précédent.

Le Soudan souffre chaque année d’inondations saisonnières causées par la montée des niveaux du Nil et de ses affluents durant l’automne, un phénomène qui s’est intensifié ces dernières années, causant d’importants dégâts humains et matériels et une menace directe aux infrastructures agricoles et résidentielles en zones rurales.

Des experts en environnement et en eau au Soudan ont précédemment appelé à la construction de barrages de protection et à l’amélioration des systèmes d’alerte précoce, notamment face aux changements climatiques qui ont perturbé le calendrier et les quantités de précipitations sur le plateau éthiopien alimentant le Nil Bleu.