Le Liban se rebelle contre l’obscurité. Il se rebelle contre le sang versé pour les autres. Il a repoussé les mains malveillantes d’hier comme d’aujourd’hui, tentant d’atteindre ses secrets. Le Liban a des secrets que seules les mains amies, celles qui rencontrent la lumière et la liberté, peuvent comprendre.

La liberté sur laquelle le Liban a été fondé ne se traduit pas par le phénomène de circuler à moto en semant la division et la menace, ni par des groupes qui envahissent les routes en scandant des paroles indignes de leur communauté. Ils ne savent pas qu’avant de perdre leurs batailles, une armée du Sud d’un autre genre, une armée de poètes et de créateurs, les avait précédés vers la dignité. Vous vous souvenez ? Les poètes du Sud qui ont construit des mondes sur les épaules des porteurs d’oliviers et d’épis comme chanté par Fairuz. Ils ont remplacé les épis par des fusils et ont perdu, car leur cause n’était pas le Liban.

La liberté qu’ils ont violée n’est pas celle sur laquelle le pays du mélange a été construit. C’est une tentative de domination de l’autre en son nom. Combien de crimes ont été commis en son nom, comme Madame Roland s’est écriée près de la guillotine en 1793 lors de la Révolution française : “Ô Liberté, combien de crimes sont commis en ton nom !”

La guerre de soutien n’était pas une décision libre. C’était la destruction du Liban, et nous en payons encore le lourd tribut. La référence iranienne n’est pas un exercice de libre choix. Vous n’êtes pas libre de choisir un autre pays tant que vous êtes libanais par naissance, identité et appartenance. La liberté ne consiste pas à imposer votre contrôle aux autres par la force des armes. À cause de tout cela, ceux qui ont fait ces choix et pratiques ont perdu ce qu’ils croyaient être une cause. Elle est perdue par définition car elle n’est pas la leur, pas leur terre, pas le Liban. Le sang des martyrs retourne à la terre et au sol, et ce n’était pas le témoignage de milliers de fils du Sud.

Le Sud avait des bâtisseurs qui ont posé les premières pierres comme les autres communautés, après avoir participé à la conférence de Versailles et à la création du Grand Liban en 1920. Le Sud avait de grandes familles. L’encyclopédie est le livre sur la figure du Sud, Youssef Al-Zein, écrit par le penseur et professeur universitaire Mundher Mahmoud Jaber. Il a raconté sa biographie dans un livre de plus de neuf cents pages, comment le Liban est né et comment les citoyens du Sud étaient une image fidèle de ce Liban, avec leurs familles et amitiés entre maisons, en particulier celles entre la famille Azouri à Azour et la famille Al-Zein à Kfar Reman.

Ce n’est pas un hasard si l’héritier de cette maison, l’avocat Claude Azouri, a précisément dédié ce livre de référence sur Youssef Al-Zein à ses amis, comprenant une description de la société du Sud telle qu’elle était à la naissance du Liban et l’amitié entre les deux maisons du Sud comme dans tout le Liban.

Ce passé lumineux est-il en voie de retour aujourd’hui ? Les temps que nous avons vécus sont terminés. Le Liban est revenu à ses racines, à des troncs qu’aucune tempête ne peut atteindre. Car les troncs du Liban sont les plus solides de l’Est, façonnés par le temps par ceux qui cherchent l’air des montagnes, des vallées et des côtes, inconnus d’aucun autre pays de cet Orient.

Il y a quelques jours, la délégation américaine bien connue est venue. Beaucoup d’encre a coulé sur les propos de Tom Barrack. Ces pages ont été parmi les premières à alerter sur ses propos dangereux concernant le retour au Levant. Mais les paroles les plus dangereuses ne sont pas celles qu’il a adressées à la presse, mais ses remarques sur la population de la communauté chiite qu’il a dite représenter entre trente et quarante pour cent. Qui vous a donné ce chiffre, M. Barrack ? Parler des nombres des communautés n’est pas utile au Liban, car ce qui importe est de préserver les fondements de la naissance basés sur deux piliers : le consensus et la liberté. Les fondations de l’État sont une autre affaire.

Vous, M. Barrack, êtes un citoyen américain loyal au Parti républicain. Mais si un jour vous voulez suivre la majorité au pouvoir, vous passez simplement au parti au pouvoir, qui peut être le Parti démocrate. Au Liban, il n’y a pas de majorité confessionnelle au pouvoir, ni de majorité politique au pouvoir. Par conséquent, aucun membre des communautés ne peut rejoindre une majorité au pouvoir. Restez à votre place, chrétien, que vous soyez maronite, catholique, orthodoxe ou syriaque… et vous, sunnite, druze, chiite et alaouite. Vous êtes égaux, et le Liban vous appartient tous. Personne n’a plus que l’autre. Alors, M. Barrack, veuillez arrêter les propos aléatoires. Les chiites ne sont pas une majorité numérique, et aucune communauté, quelle que soit sa taille, ne peut prétendre être une majorité du total.

C’est une réalité que ceux d’ici et d’ailleurs doivent reconnaître, car quelqu’un a chuchoté à l’oreille de Barrack, et avant lui à celle de Loueiri, que les chiites sont une majorité. Et ensuite ? Il y a l’autre, il y a les autres. Comme c’est le cas aujourd’hui.

Tous les membres des autres communautés ont porté les armes pendant les guerres, puis les ont abandonnées. C’étaient des guerres de certains contre d’autres. Contrairement à aujourd’hui. Radicalement contrairement à aujourd’hui, car les armes sont pour une cause extérieure connue, et ses représentants sont présents au Liban directement ou indirectement. Les caches d’armes et de missiles découvertes par les Français de la force internationale en sont la preuve. Affronter Israël est une affaire de l’État libanais. La Syrie, dans ses relations renouvelées avec Israël, remonte aujourd’hui à 1974, après les suites de la guerre de 1973. Quant à nous, nous n’avons que l’accord d’armistice de 1949.

Avant la reconstruction du Sud, où plusieurs villages ont été effacés, il y a un autre type de reconstruction, celle de la structure construite par les Libanais du Sud avec leurs frères des autres communautés et régions. C’est une histoire encore attestée aujourd’hui. Il n’y a pas d’alternative à cela, tout comme il n’y a pas d’alternative au consensus libanais, qui est son histoire, sa justification d’existence et son avenir. Cherchez simplement l’histoire de la protection de ce consensus et abandonnez les expériences de domination et les maux des quotas.