Depuis le déclenchement de la guerre au Soudan, les médias internationaux se sont empressés de la réduire à une phrase simplifiée : « une guerre entre deux généraux » !

Ainsi, la guerre menée contre le peuple soudanais et ses ressources a été présentée comme un conflit de pouvoir entre le commandant de l’armée nationale et le chef de la milice des Forces de soutien rapide. Mais derrière ce récit superficiel se cache une réalité bien plus grave : c’est une guerre existentielle menée par le peuple soudanais contre une machine de destruction systématique visant son humanité, son identité, sa culture et ses infrastructures.

Les médias internationaux cherchent naturellement des titres rapides et commercialisables. Présenter le conflit comme une lutte entre « Al-Burhan et Hemeti » est plus facile pour le lecteur occidental que d’entrer dans les détails d’un réseau complexe de violations, de crimes de guerre et de dimensions humanitaires. Cependant, cette réduction fait disparaître la véritable victime : des millions de civils soudanais qui paient le prix fort.

Sur le terrain, la guerre n’était pas seulement une confrontation militaire entre une armée et une milice, mais un projet de génocide complet, dont les caractéristiques principales sont le siège et la famine : les milices ont imposé un blocus étouffant sur les villes, empêchant la nourriture et les médicaments, pour soumettre et affamer la population. Puis elles ont déclenché un pillage organisé, vidant les marchés et les entrepôts, transformant les biens des civils en butin de guerre, paralysant ainsi l’économie locale.

La milice a utilisé le viol et la violence sexuelle comme armes d’humiliation, dans un crime visant à démanteler le tissu social. Puis est venue la destruction systématique des infrastructures : hôpitaux, écoles, électricité et installations d’eau ont tous été pris pour cible, transformant la vie quotidienne en un enfer insupportable.

Ils ont également ciblé le patrimoine culturel et intellectuel : universités et bibliothèques ont été brûlées, centres culturels détruits dans une tentative d’effacer la mémoire collective et l’identité nationale soudanaises.

Ce n’est pas simplement une « bataille entre deux généraux », mais une stratégie de purification et de déchirement du tissu de l’État et de la société.

Lorsque les crises sont mesurées par les intérêts des puissants, le Soudan est exclu des calculs ; la crise soudanaise révèle clairement que l’attention internationale ne se mesure pas à l’ampleur de la souffrance humaine, mais à son lien avec les intérêts géopolitiques et économiques des grandes puissances.

Mais pourquoi cette dimension est-elle absente de la couverture internationale ?

La logique du sensationnalisme : les médias sont attirés par des histoires centrées sur des personnalités en vue plutôt que sur des crimes complexes contre l’humanité. L’absence de correspondants sur le terrain et la faible présence journalistique internationale au Soudan ont fait que le récit repose sur des sources secondaires, faisant perdre à la tragédie sa voix véritable. La sélectivité politique : certaines grandes puissances trouvent dans le discours de la « guerre des deux généraux » une échappatoire confortable pour éviter les pressions en faveur d’une intervention directe ou d’une condamnation explicite ; présenter la guerre comme un conflit personnel entre chefs militaires masque l’utilisation par la milice des pires moyens de guerre contre les civils.

Lorsque la faim, le viol et la destruction systématique deviennent des outils stratégiques de génocide, la description médiatique devient une complicité par le silence.

Le 28 août 2025, la directrice exécutive de l’UNICEF a signalé plus de 1100 violations graves dans la ville d’El Fasher (capitale de l’État du Darfour Nord) à elle seule, y compris la mort et la blessure de 1000 enfants, dont beaucoup alors qu’ils étaient chez eux ou dans des camps de déplacés, et 23 garçons et filles ont été victimes de viol, viol collectif ou abus sexuels… sans parler de ce qui s’est passé dans d’autres villes.

La milice ne s’est pas arrêtée à tuer les vivants, elle a ciblé la mémoire des générations futures en brûlant universités, bibliothèques et en détruisant des centres de pensée et de culture. Ce n’était pas un acte aléatoire, mais une tentative d’effacer l’identité du Soudan et d’effacer son histoire civilisationnelle.

Lorsque les crises sont mesurées par les intérêts des puissants, le Soudan est exclu des calculs ; la crise soudanaise révèle clairement que l’attention internationale ne se mesure pas à l’ampleur de la souffrance humaine, mais à son lien avec les intérêts géopolitiques et économiques des grandes puissances. L’Ukraine a reçu un large soutien car la sécurité de l’Europe était en jeu, tandis que le Soudan reste hors du cercle des priorités car sa tragédie ne menace pas directement les intérêts de ces puissances.

Les Soudanais ne combattent pas pour soutenir un général en particulier, mais pour le droit à la vie, à la dignité et à la mémoire nationale.

Cette absence internationale n’est pas sans coût, elle aggrave la tragédie soudanaise à plusieurs niveaux ; affaiblir la pression internationale et présenter la guerre comme un conflit personnel réduit l’urgence de tenir les milices responsables ou de fournir une aide humanitaire urgente, ce qui conduit à :

    • Renforcer l’impunité : l’absence de description précise des crimes comme génocide ou crimes contre l’humanité approfondit la culture de l’impunité pour les auteurs.
    • Aggraver la catastrophe humanitaire : des millions de déplacés et de réfugiés se retrouvent devant des portes closes, sans attention mondiale proportionnelle à l’ampleur de la tragédie.

La responsabilité des médias et de la communauté internationale aujourd’hui n’est pas seulement de rapporter les nouvelles, mais de nommer les choses par leur nom. Ce qui se passe au Soudan est une guerre de génocide contre le peuple, pas seulement une « guerre entre deux généraux ».

Les Soudanais ne combattent pas pour soutenir un général en particulier, mais pour le droit à la vie, à la dignité et à la mémoire nationale. Ignorer cette vérité place les médias et la communauté internationale dans la catégorie de la complicité par le silence et reproduit une politique à double standard qui différencie les victimes selon des intérêts géographiques et politiques.

Des dommages aux stations d’électricité et d’eau dans des dizaines de sites ont été signalés, avec d’importantes pertes pour les installations et l’arrêt ou la réduction du raffinage, ce qui a augmenté les coûts d’approvisionnement et de logistique et entraîné des coupures chroniques.

Sur le plan économique, cette guerre a eu des conséquences catastrophiques sur le pays et ses habitants :

Le Soudan est aujourd’hui au cœur d’une tragédie gérée par la famine, le viol et la destruction, tandis que les médias internationaux se contentent de répéter l’histoire du « conflit des deux généraux ». Ce récit n’est pas innocent, mais un outil d’effacement qui cache le fait qu’un peuple entier fait face à une tentative d’effacer son existence.

La justice pour le Soudan commence par un changement de discours : d’une simplification superficielle à une description réelle mettant en lumière les crimes de guerre et le génocide. Ce n’est qu’alors que la conscience mondiale pourra assumer ses responsabilités pour arrêter le saignement, tenir les coupables responsables et soutenir le peuple soudanais dans la reconquête de son droit à la vie et à la dignité.