Des panneaux solaires flottent sur le bassin du barrage de Tanger-Méditerranée, dans une expérience unique au Maroc visant à réduire l’évaporation de l’eau, qui s’intensifie avec la hausse des températures et contribue à un stress hydrique sévère.

Pour la septième année consécutive, le Maroc connaît la pire sécheresse depuis environ 40 ans, accompagnée d’une hausse des températures, entraînant “une forte augmentation de l’évaporation durant la période chaude d’avril à septembre, notamment au niveau des réservoirs des barrages”, selon le ministère de l’Équipement et de l’Eau via l’AFP. Cela contribue significativement à la baisse des taux de remplissage, qui ne dépassent pas 35 % en août.

Entre l’automne 2022 et l’été 2023, la température moyenne a été supérieure de 1,8 degré à la normale, provoquant une perte quotidienne d’environ 1,5 million de mètres cubes (plus de 600 piscines olympiques) d’eau des barrages due à l’évaporation, selon des données officielles.

Pour faire face à ce défi, le Maroc a lancé fin 2024 un projet unique au barrage de Tanger-Méditerranée pour “prolonger sa durée d’exploitation” en couvrant une partie de celui-ci avec des panneaux solaires qui réduisent l’exposition de l’eau au soleil tout en générant de l’électricité.

Dans ce barrage situé au nord-ouest du pays, le niveau d’évaporation passe d’environ 3 000 mètres cubes par jour à 7 000 mètres cubes par jour entre juin et août, selon Yassine Wahbi, chef du département d’évaluation et de planification des ressources en eau du bassin du Loukkos.

Dans un spectacle inhabituel, des milliers de panneaux solaires flottent sur une partie du barrage, tandis que d’autres attendent leur tour pour s’installer sur plus de 400 plateformes conçues pour résister aux fluctuations climatiques, ancrées par des câbles allant jusqu’à 44 mètres de profondeur.

À l’achèvement, le projet devrait couvrir plus de 22 000 panneaux solaires sur dix hectares de la surface du barrage d’environ 123 hectares, soutenus par des arbres plantés sur ses rives pour réduire la force du vent, qui contribue également à l’évaporation. L’électricité produite couvrira une partie des besoins du port de Tanger-Méditerranée adjacent, avec une capacité totale de 13 mégawatts.

L’objectif principal du projet, dont le coût n’a pas été divulgué, est de réduire l’évaporation de l’eau d’environ “30 % selon les études réalisées jusqu’à présent”, explique Wahbi. Il ajoute que le volume annuel d’eau évaporée dans ce barrage “est estimé à environ 1,2 million de mètres cubes”, soit l’équivalent de 1 % de la consommation annuelle d’eau de la ville de Tanger, qui compte environ 1,5 million d’habitants.

L’expert climatique Mohamed Said Qorouq confirme qu’il s’agit d’une “expérience pionnière”, mais avertit qu’elle ne peut couvrir qu’une partie des barrages, qui s’étendent sur de vastes zones avec des terrains variés, et que les panneaux peuvent être endommagés si le niveau de l’eau baisse. Il estime que la priorité devrait être de continuer “de manière plus audacieuse” à transférer l’excès d’eau exposée à l’évaporation des barrages du nord, moins touchés par la sécheresse, vers les régions centrales et méridionales.

Actuellement, le Maroc dispose d’une seule autoroute hydraulique qui transfère l’excès d’eau du bassin de Sebou (nord-ouest) vers Rabat et ses environs sur une distance de 67 kilomètres.

Le projet devrait être étendu pour connecter d’autres barrages du nord au centre du pays.

Cependant, le ministère de l’Équipement confirme que, quelle que soit l’ampleur des économies d’eau attendues grâce aux panneaux solaires flottants, cela représente “un gain important dans un contexte de rareté croissante des ressources en eau”. Au cours des dix dernières années, les ressources en eau ont diminué à une moyenne annuelle de 5 milliards de mètres cubes, contre 18 milliards de mètres cubes dans les années 1980, selon des données officielles.

Des études de faisabilité sont actuellement en cours pour deux autres projets de panneaux solaires flottants aux barrages de Lalla Takerkoust près de Marrakech (centre) et Oued Al Makhazine (nord), l’un des plus grands barrages du pays, selon le ministère de l’Équipement.

À l’échelle mondiale, la France, l’Indonésie et la Thaïlande testent cette technologie, tandis que la Chine abrite les plus grandes installations solaires flottantes au monde.

Cependant, la principale stratégie pour faire face au stress hydrique au Maroc reste la désalinisation de l’eau de mer, visant à atteindre 1,7 milliard de mètres cubes par an d’ici 2030, contre environ 320 millions de mètres cubes actuellement.