Le rapport de la Banque mondiale publié en septembre présente un tableau clair et sévère de l’économie palestinienne : des chiffres qui racontent un déclin au-delà des mots. Le PIB a chuté à un niveau jamais vu depuis 2009, et le revenu par habitant a diminué à 2 600 dollars, un recul qui nous ramène à des années de récession au lieu de poursuivre une trajectoire de redressement.

Ce qui se passe dans la bande de Gaza est plus grave que ce que les statistiques peuvent exprimer. Selon le rapport, le PIB de Gaza a connu une contraction estimée à 83 % en glissement annuel dans les dernières lectures de 2025, et sa contribution au PIB palestinien est passée de 17 % avant le conflit à moins de 3 % aujourd’hui.

Les infrastructures subissent une destruction massive : environ 80 % du réseau électrique est endommagé, la moitié des hôpitaux sont hors service, et 80 % des élèves sont hors du système éducatif. Ces indicateurs s’accompagnent d’une menace réelle pour la sécurité alimentaire, plus de 640 000 personnes étant confrontées à une faim aiguë. Ces chiffres ne tolèrent aucune complaisance : l’économie de Gaza est dévastée et sa population dépend largement de l’aide.

Quant à la Cisjordanie, elle a enregistré une croissance apparente de 10 % au début de 2025, mais la Banque mondiale qualifie cette croissance de « nominale », résultant d’un effet de base faible après l’effondrement majeur de 2024, et non d’une croissance réelle de la production ou d’un investissement durable.

En revanche, le marché du travail s’est effondré : les taux de chômage ont atteint 69 % à Gaza et 29 % en Cisjordanie, tandis que le nombre de Palestiniens travaillant en Israël est passé de 177 000 avant le conflit à environ 24 000 au pire de la crise, puis s’est partiellement rétabli. Cette perte d’emplois s’est traduite directement par une baisse des revenus des ménages et une dépendance accrue à un filet de sécurité sociale faible.

L’aspect financier est également sévère : le rapport 2025 précise que l’arrêt des transferts de compensation a plongé l’Autorité palestinienne dans une grave crise de liquidité ; en conséquence, les salaires ne sont payés qu’à environ 70 %, tandis que les arriérés se sont accumulés et que le déficit budgétaire a atteint des niveaux importants (le déficit a dépassé environ 1,2 milliard de dollars à la mi-2025), tandis que les recettes fiscales ont diminué d’environ 35 % par rapport à l’année précédente. Ce mélange place l’Autorité dans une position qui menace la fourniture des services de base et augmente clairement le besoin d’un afflux extérieur de financement d’urgence.

Pour situer cet effondrement dans une chronologie claire : à la mi-2023, les indicateurs étaient pires que d’habitude mais n’avaient pas atteint ce creux ; le taux de pauvreté général était estimé à 32,8 %, et à Gaza à environ 64 %, tandis que le revenu par habitant au cours des deux années précédentes était estimé à environ 3 360 dollars par personne en 2023. Comparé à cela, ce que nous constatons en septembre 2025 est une glissade supplémentaire brutale : la pauvreté générale a approché ou atteint 40 %, et le revenu par habitant est tombé à 2 600 dollars, reflétant une perte significative du niveau de vie en moins de deux ans.

Le secteur privé, qui est censé être le moteur de l’emploi et de la croissance, a reçu un coup dur. Les exportations se sont effondrées et les perturbations des chaînes d’approvisionnement ont également entraîné une baisse des importations, le tout accompagné de la fermeture d’environ 40 % des petites et moyennes entreprises en Cisjordanie seulement, ce qui signifie des milliers d’emplois perdus et une érosion de la base productive. Relancer ce système ne se fera pas simplement par l’injection de fonds humanitaires, mais nécessite de reconnecter les marchés et des garanties claires prouvant la capacité de l’économie à fonctionner en toute sécurité.

La dimension humanitaire ne peut être dissociée de la dimension économique : la destruction des logements, des écoles, des hôpitaux et les dommages aux infrastructures, estimés à des dizaines de milliards de dollars, rendent toute discussion sur la croissance économique irréaliste. Les seules estimations des dommages aux infrastructures s’élèvent à des dizaines de milliards de dollars, ce qui indique que la tâche de la reconstruction n’est ni à court terme ni seulement économique, mais politique et planificatrice à l’échelle régionale et internationale.

Face à ce tableau sévère, il ne suffit pas d’énumérer les chiffres ; une vision réaliste est nécessaire pour les traduire en priorités exécutables pouvant être suivies par l’Autorité, la société civile et la communauté internationale. Je considère que les voies de sortie doivent s’intégrer à trois niveaux interconnectés :

Premièrement : restaurer la liquidité et ouvrir les canaux de paiement : réactiver les transferts de compensation et garantir des ressources opérationnelles d’urgence pour l’Autorité dans les 6 à 12 mois sont essentiels pour éviter l’effondrement des services de base et le paiement intégral des salaires. Cela nécessite des garanties internationales et des mécanismes transparents de décaissement des fonds pour rassurer les donateurs et les habitants sur le terrain.

Deuxièmement : liaison urgente pour relancer l’activité commerciale : ouvrir des passages commerciaux sûrs, reprendre l’accès aux matières premières et au carburant, et créer un système temporaire de paiements transfrontaliers pour contourner les restrictions de transfert avec les banques régionales. Sans cette étape, le secteur privé restera incapable de répondre à la demande, et les vagues de faillites et de chômage se poursuivront.

Troisièmement : un plan de reconstruction progressif et ciblé accompagné de conditions de gouvernance et de transparence : se concentrer sur les infrastructures vitales (électricité, eau, hôpitaux et écoles) en deux phases — une réponse d’urgence pour rétablir les services de base, puis un processus de reconstruction à moyen terme intégrant le secteur privé local et générant des emplois durables. Cela nécessite une alliance internationale avec des mécanismes de contrôle clairs pour garantir que les fonds soient dirigés vers des projets économiques productifs et non seulement vers une aide temporaire.

Enfin, il ne faut pas oublier la dimension sociale : élargir les programmes de protection sociale temporaire liés à la formation professionnelle pour réintégrer les travailleurs dans des opportunités d’emploi potentielles, avec des programmes de ciblage clairs pour les groupes les plus pauvres de Gaza et de la Cisjordanie. Ce n’est qu’en intégrant la protection avec les opportunités d’emploi et la reconstruction que l’impact du choc économique pourra être atténué.

Le rapport nous présente une vérité incontournable : les chiffres ne sont pas seulement des indicateurs administratifs, mais des histoires de foyers ayant perdu leur source de revenus, d’enfants ayant perdu leur éducation, et de communautés nécessitant un plan pour retrouver la capacité de vivre dignement. La réponse effective doit être rapide, intégrée, politique et financière à la fois, sinon nous assisterons à une économie fragmentée que seule une génération future pourra reconstruire.