La dernière réunion de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) devait initialement se tenir à Shanghai, en Chine, mais elle a eu lieu cette fois dans la ville côtière de Tianjin.

Ce changement n’était pas anodin ; Tianjin, en tant que port ouvert, est une porte d’entrée principale pour les projets de la Ceinture et la Route, par laquelle la Chine voulait envoyer un message clair.

Bien sûr, les messages de la Chine ne se limitent pas au choix de cette ville portuaire pour la réunion. Le rapprochement entre la Russie, l’Inde et la Chine, ainsi que les affirmations contenues dans la déclaration finale, sont des signes évidents du désir asiatique de passer à un ordre mondial multipolaire.

Cette réunion, tenue en Chine, a attiré l’attention du monde entier car elle s’est tenue face à la politique américaine hostile, agressive et déséquilibrée, dans un contexte de déclin du rôle européen et de politiques occidentales excluant la Russie.

En considérant le bouleversement causé par le système mondial dominé par l’Occident, l’émergence d’un tel centre de pouvoir en Asie pourrait être un facteur d’équilibre positif pour le monde.

La mention dans la déclaration finale d’une orientation vers une entité de développement, économique et sécuritaire a suscité en moi la possibilité de la formation d’un nouveau pôle. La position active et dynamique de l’Inde m’a également surpris. La vision proposée par l’Inde a été officiellement adoptée sous le slogan : “Un monde, une famille, un avenir”.

Malgré les questions sur l’inclusion éventuelle du Pakistan et des musulmans marginalisés dans cette “famille”, l’acceptation de sa proposition a été remarquable.

Les images du Premier ministre indien Narendra Modi souriant constamment et cherchant à se rapprocher de manière excessive du président russe Vladimir Poutine et du président chinois Xi Jinping ont fait la une des médias mondiaux.

Il est incorrect de dissocier l’OCS du bloc BRICS, qui forme un axe des pays asiatiques. Dans les années à venir, ces deux organisations pourraient fusionner en une nouvelle entité.

À l’origine fondées sur la coopération économique, ces organisations ont commencé cette année à aborder des sujets plus larges. La mentalité de la guerre froide, les politiques partisanes et les pratiques coercitives ont été rejetées. Les principes de justice et de multipolarité ont été mis en avant. Le soutien à un système commercial multilatéral lié à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a été réaffirmé.

Des décisions ont été prises pour renforcer la coopération en matière de lutte contre le terrorisme et de sécurité. La création d’une banque de développement transformera cette entité en un centre d’attraction supplémentaire.

En lisant ces développements, on peut voir l’émergence d’un centre de pouvoir alternatif au bloc occidental, dirigé par la Chine en Asie.

En regardant les États membres de l’OCS, on peut dire que ce bloc constitue une puissance économique, énergétique et même militaire importante.

L’organisation comprend la Chine, la Russie, l’Inde, le Pakistan, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et l’Iran. Elle compte quatre États observateurs : Afghanistan, Biélorussie, Mongolie et Sri Lanka. Elle compte également six partenaires de dialogue : Azerbaïdjan, Albanie, Cambodge, Népal, Turquie et Qatar.

Le simple partenariat entre la Chine, l’Inde et la Russie suffit à provoquer des changements majeurs dans les équilibres mondiaux.

Dans le domaine de l’énergie, l’Iran, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Qatar et l’Azerbaïdjan se distinguent comme des acteurs clés du marché mondial de l’énergie.

Militairement, la Russie, la Chine, le Pakistan et la Turquie figurent parmi les pays les plus puissants au monde.

En résumé, sous tous les angles, ce bloc est qualifié pour être un centre alternatif dans les domaines de l’économie, de l’énergie, de la sécurité et du commerce.

Lorsque le président américain Donald Trump a rencontré le président russe Vladimir Poutine en Alaska lors d’une rencontre qui s’est transformée en spectacle, les pays européens étaient furieux.

Mais il est certain que la récente réunion en Chine a accru leur anxiété. Malgré leurs tentatives d’isoler la Russie et Poutine et d’imposer des sanctions, ils n’ont pas réussi à atteindre leurs objectifs.

Le président chinois Xi Jinping a montré à chaque occasion l’importance qu’il accorde à Poutine. Les images triples réunissant Modi, Xi et Poutine semblaient être un message aux dirigeants européens disant : “Brûlez de jalousie !”

Bien que Poutine se soit enlisé dans le bourbier de la guerre en Ukraine et ait perdu beaucoup de sa puissance, il ne s’est pas agenouillé comme l’Europe l’attendait, et il retrouve sa vigueur.

Cependant, la Russie doit aussi voir la réalité que Poutine commence à apparaître comme un “joueur secondaire” que la Chine et les États-Unis cherchent à attirer dans leurs camps. Il n’est plus une puissance principale, mais une puissance secondaire fournissant un soutien. Cela signifie, pour la Russie, une forme de réduction de statut et de prestige.

La Turquie, membre de l’OTAN et l’un des alliés les plus importants des États-Unis, ainsi que candidate de longue date à l’adhésion à l’Union européenne, exprime depuis des années son désir de rejoindre pleinement l’OCS et le bloc BRICS.

Ce désir a commencé lorsque la Turquie a commencé à rencontrer des problèmes militaires avec les États-Unis, la suspension de ses négociations d’adhésion à l’UE et des périodes d’embargo non officiel.

Depuis lors, la Turquie a renforcé ses relations avec ces organisations et a commencé à poser des questions telles que : “La Turquie change-t-elle son axe d’alliance ?”

Mais la Turquie ne cherche pas à changer son axe, mais à le diversifier, souhaitant jouer le rôle de pont entre l’Asie et l’Europe, en raison de sa position géographique unique à la croisée des deux continents.

Certes, jouer ce rôle n’est pas facile dans le contexte des politiques hostiles féroces que les États-Unis mènent contre la Chine, mais la Turquie ne veut pas mettre tous ses œufs dans le même panier.

La récente réunion tenue dans la ville côtière de Tianjin marquera le début d’une nouvelle phase qui suscitera beaucoup de débats dans les jours à venir.

Il reste à voir ce que Trump dira de cette réunion qui a volé la vedette alors qu’il fronçait les sourcils comme à son habitude.